www.rebelle-sante.com
communauteSans
Communauté
boutiqueSans
Boutique
Image décorative. En cliquant dessus, on découvre les différents abonnements proposés par Rebelle-Santé
S’ABONNER

La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les sympathisants

Épisode 15

Résumé : Après avoir lu les vieux carnets de voyage de son cher maître le professeur Gordon Kind, Pierre Gassendi se prépare à accompagner l’explorateur Dos Santos en Amazonie, aux racines de la Sympathie.
Retrouvez les épisodes précédents en libre accès sur le site rebelle-sante.com

L’approche du départ

Chapitre 6

Entourée de son joli parc boisé, avec ses deux tourelles vertes et blanches, la pension Beauvert ressemble à un adorable petit château. C’est là que s’est installée Olivia de Sainte-Victoire. Depuis sa naissance, elle n’a jamais vécu que dans des châteaux, pourquoi changer ?

La vieille Solange, sa femme de chambre à Montgéry depuis de nombreuses années, est hospitalisée pour des problèmes cardiaques, et Olivia ne doute pas que les événements y soient pour quelque chose. Il ne se passait pas un jour sans que des journalistes, des scientifiques ou de simples curieux ne viennent à Montgéry dans le but de questionner Olivia sur l’origine de la Sympathie. Beaucoup d’entre eux effectuaient une sorte de pèlerinage sur les lieux où avait vécu André de Sainte-Victoire. Au début, Olivia répondait à certains journalistes, mais au bout de quelques mois, lassée de toute l’agitation qui régnait à Montluc-sur-Breuse, elle a fini par quitter le village.

Ici, elle est à l’abri des journalistes, et aussi des gens d’Amitié Moindre Mal qui l’ennuient sans cesse, à tel point qu’elle regrette presque d’avoir accepté de parrainer leur association. Ici, c’est calme, on s’occupe d’elle, et le docteur Rousselle vient la voir régulièrement.

Cet après-midi, elle se promène dans le parc au bras de Pierre Gassendi qui est venu lui rendre visite avant de partir pour un long voyage.

– Mon cher Pierre, c’est extraordinaire ! Vous rendez-vous compte qu’après le professeur Kind, puis mon père et mon oncle, vous allez à votre tour rencontrer cette tribu indienne ? Est-il possible qu’ils aient tout gardé, leurs traditions, leurs valeurs, sans jamais rien échanger avec la civilisation ?

– Je le crois, dit Gassendi. Il faut tout faire pour que ces Indiens vivent en paix. Il y a des choses qui ne s’achètent pas.

– Oh non, s’écrie Olivia, ce n’est vraiment pas la peine qu’on découvre qu’ils sont à l’origine de tout, pourquoi ? Pour qu’un explorateur fasse fortune ? Non, voyons, c’est injuste. Et puis, pour le monde entier, la Sympathie vient de Montluc-sur-Breuse, un point c’est tout.

Voilà bientôt deux ans que le professeur Gassendi prépare ce voyage en Amazonie en compagnie de l’explorateur Dos Santos. L’armée brésilienne leur a accordé l’autorisation d’accès au territoire amazonien, Gassendi a rencontré les deux guides indiens qui les accompagneront dans leur expédition. L’itinéraire est établi, le matériel prêt.

Il fait chaud en cette fin d’après-midi d’été. Au fond du parc, près du marronnier, il y a un petit bassin rond sur le bord duquel les deux amis s’assoient. Olivia plonge sa main dans l’eau fraîche.

Elle trouve Pierre Gassendi peu bavard. Effectivement, Pierre n’a pas beaucoup de choses à lui raconter aujourd’hui. Il se sent investi d’une mission difficile. Va-t-il pouvoir faire quelque chose ? Va- t-il seulement rencontrer les Kuryanahuas ? Et ici, en Europe ou ailleurs, la Sympathie est devenue une chose qui suscite tant de passions qu’il n’est pas toujours certain d’avoir fait ce qu’il fallait en la laissant se répandre.

Le monde scientifique ne supporte pas les phénomènes qu’on ne peut expliquer. C’est pourquoi, depuis son apparition, on a décrété que la Sympathie était un virus. C’est, semble-t-il, une chose aujourd’hui acquise pour tout le monde. Or, Pierre Gassendi n’est pas que chercheur, il est aussi poète : il sait que la magie ne trouve pas d’explication scientifique.

Et puis, il y a Philippe Botel, son ami parisien, chercheur au CNRS. Il faisait partie d’une des équipes qui cherchait à isoler le virus sympathique. Or, depuis un mois, Pierre Gassendi est sans nouvelles de lui. Anne-Françoise, la femme de Philippe, est terriblement angoissée. Le plus troublant est que ni Pierre ni Anne-Françoise Botel ne parviennent à joindre Jean-Albert Lecanet, un autre chercheur qui travaille avec Philippe. Que se passe-t-il ?

Bien sûr, Reis et Dos Santos ont averti Gassendi que ce voyage n’était pas une croisière, qu’il y avait beaucoup d’insectes, que l’on pouvait tomber malade et qu’ils ne disposeraient pas de tout le confort moderne, mais le professeur leur a répondu qu’il adorait dormir dans un hamac.

Il a tout de même effectué un bilan de santé, afin de ne pas prendre de risques inconsidérés.

Ce bilan lui a révélé qu’il avait un cœur de jeune homme, ce qui n’a aucunement surpris Gassendi, perpétuellement amoureux, comme à vingt ans. Cela l’a aussi conforté dans l’idée que, en dépit de ses soixante-seize ans, il pouvait entreprendre ce voyage sans risque.

Au début, Olivia aussi a tenté de raisonner le scientifique : la forêt amazonienne est pleine de dangers. Si elle n’a jamais connu son père, c’est parce qu’il a fait la folie de s’y aventurer, persuadé qu’il en reviendrait.

Non, Pierre Gassendi n’a pas renoncé à son projet. La perspective de partir, cent ans après le professeur Gordon Kind, accompagné comme lui de deux guides indiens, pour rencontrer un peuple inconnu du reste de la planète, tout cela le fascine et il n’y renoncerait pour rien au monde.

En revanche, il a essayé de convaincre le poète de les accompagner, Dos Santos et lui, dans leur expédition, mais ce fut en vain : “plus jamais”, avait répondu Ricardo Reis.

“Les moustiques, les guêpes, les araignées, les fourmis carnivores, les piranhas, l’humidité constante, non merci, pas deux fois. Tu ne sais pas ce qui t’attend. Prefiro dormir em paz (Je préfère dormir en paix)», avait-il conclu.

Près de deux ans se sont écoulés depuis le début de la “fuite” de la Sympathie. Dos Santos ignore évidemment que Gassendi en est à l’origine. La perspective de côtoyer chaque jour une personne que vous avez flouée est assez inconfortable. “C’est pour la bonne cause”, lui murmure Olivia.

“Le monde m’a devancé”, a constaté Dos Santos l’année dernière. Mais malgré la tournure inattendue des événements, il a maintenu son voyage. Il n’aura pas la Sympathie, mais il est convaincu que les Kuryanahuas cachent encore d’autres trésors.

Olivia de Sainte-Victoire demande à Pierre Gassendi comment il compte empêcher Dos Santos de nuire aux Indiens.

Pierre Gassendi ne sait pas. Mais il pense qu’il doit y aller, et que Gordon, s’il avait été là, aurait tout mis en œuvre pour protéger les Kuryanahuas.

Il a bien essayé de discuter avec l’explorateur, de faire appel à son bon sens et à son humanité, mais rien n’a pu le faire renoncer à son projet de prouver qu’il avait été le premier à découvrir la Sympathie. Le professeur Gassendi a alors feint d’abandonner son idée et de s’intéresser aux autres découvertes de l’explorateur. Il a été suffisamment habile dans son jeu de candide pour que Dos Santos, oubliant l’insistance du professeur à lui faire renoncer au but de son voyage, accepte sa compagnie durant l’expédition.

L’après-midi touche à sa fin. Le professeur Gassendi raccompagne Olivia à l’intérieur du manoir et c’est le moment des adieux. Il regagne ensuite à pied la gare de Savigneaux-le-Rocher, car il reprend l’avion demain matin à Roissy.

Ce soir-là, dans son hôtel parisien, Gassendi ressort les carnets de voyage de Gordon Kind pour les poser sur la table de chevet. Il va les lire avant de s’endormir.

Assis sur son lit, le regard posé sur le papier bleu des cahiers, Pierre Gassendi repense au professeur Gordon Kind qui lui avait confié un jour qu’il regrettait d’avoir fait ce geste de générosité, alors qu’il était tiraillé entre son devoir de protéger les Indiens et son désir de faire plaisir à Isabelle de Sainte-Victoire qu’il admirait tellement.

Le professeur Kind avait dit à son élève que, après avoir inoculé la Sympathie aux grands-parents d’Olivia, il s’inquiétait beaucoup au sujet des Kuryanahuas, et se sentait responsable de leur sécurité. Son départ de la forêt avec la Sympathie lui avait laissé le sentiment d’être très redevable envers ce peuple.

Gassendi a longtemps travaillé avec Gordon et a parfois eu des doutes sur son équilibre. Mais il lui a fallu se rendre à l’évidence : le pouvoir existait bel et bien. Gassendi lui-même ne tarda pas à le détenir. Par conséquent, sa femme aussi. “Nous sommes les seuls à pouvoir faire ça et personne ne doit le savoir”, disaient-ils à leurs enfants. Eux aussi l’ont bien caché pendant tout ce temps. Ils ne l’ont utilisé qu’avec leurs conjoints et leurs enfants.

Mais à présent, tout a changé… Et voilà que les chercheurs disparaissent.

Le professeur Gassendi, avant de se coucher, verse dans un verre trente gouttes de la potion homéopathique que lui a préparée son pharmacien. En effet, il dort mal depuis quelque temps. Il s’inquiète beaucoup pour ses amis chercheurs. Et puis, jamais encore il n’avait eu une responsabilité aussi grande. Il ne pense pas sans quelque vertige que dans le monde, seules quatre personnes connaissent toute la vérité. L’un d’eux ne devrait pas la connaître et risque de mal l’utiliser. Pierre Gassendi sent peser sur ses épaules une responsabilité démesurée. Il se sent terriblement seul.

Chapitre 7

Fabrice Legrand a reçu une invitation du Conseil d’Administration d’Amitié Moindre Mal. Tous les salariés et leurs conjoints sont conviés à un cocktail organisé pour fêter le premier anniversaire de l’association. L’épouse du Président de la République, fondatrice de l’association, sera présente, ainsi que le ministre de la Santé et la ministre de la Solidarité. Le cocktail sera suivi d’un spectacle auquel seront invités tous les bénévoles, adhérents et partenaires d’AMM. La secrétaire a même entendu dire que l’événement serait retransmis en direct à la télévision.

Fabrice Legrand aimerait aller à cette réception accompagné, mais sa blonde amie n’a jamais voulu venir le voir depuis qu’il travaille à Paris. Il se peut que l’un ou l’autre souhaite bientôt mettre un terme à cette relation.

Si sa vie professionnelle est épanouissante, il est un peu déçu par la platitude de sa vie personnelle. Malgré les multiples applications de rencontre installées sur son téléphone, sa vie sentimentale traîne dans une tranquillité morne. Ce n’est pas ainsi qu’il imaginait sa nouvelle existence dans la capitale.

Et s’il renouait avec Marie ? Maquillée et avec une tenue soignée, elle devrait présenter plutôt bien. Et puis une infirmière, dans le secteur de la Sympathie, c’est toujours bien vu. Mais 250 kilomètres les séparent, et ses horaires à l’hôpital sont irréguliers. Il faudrait qu’elle soit disponible ce week-end-là.

Fabrice Legrand range l’invitation dans le casier “divers”, puis ouvre sur son bureau un dossier intitulé “Pôle Santé”, qu’il se met à lire attentivement.

Le Conseil d’Administration d’AMM qui, décidément, continue à faire preuve d’une efficacité remarquable au milieu de tous ces événements, a décidé de recruter du personnel soignant professionnel : un médecin et deux infirmiers, dont le rôle sera de surveiller de près les moindres symptômes de ses bénévoles. “Avec tout ce qu’on entend…”, a dit ce matin Evelyne Defort en lui apportant le dossier papier et en lui demandant d’en informer rapidement tous les adhérents.

Alors, on va embaucher ici du personnel médical ? Fabrice Legrand a une idée. Il prend d’abord quelques notes, puis range le dossier dans le casier “Communication interne”. Un sourire aux lèvres, il pivote légèrement sur son siège pour attraper son téléphone.

Un pressentiment lui annonce des événements captivants à venir.

À suivre…

Magazine

À lire aussi