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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les Sympathisants

Épisode 8

Résumé : Le débat a soulevé quelques questions sur l’origine et la pertinence de la Sympathie, ainsi que le rapport ambigu que les pouvoirs publics entretiennent avec cette nouvelle faculté.
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D’où viens-tu, Sympathie ?

Chapitre 12

“… concernant l’attentat qui a eu lieu ce matin au siège d’Amitié Moindre Mal et qui a causé de nombreux dégâts matériels sans faire de vic- time. Selon Évelyne Defort, présidente de l’association, il s’agirait d’un…”

– Encore ! râle Roland.

Il se penche vers la table basse pour saisir la télécommande. À ce moment, il sent sous sa fesse droite une douleur inhabituelle, comme si la peau était ulcérée. Il se lève avec difficulté ; ses articulations craquent. Il est vrai qu’il n’a pas bougé de son fauteuil depuis le début de l’après-midi et que c’est Denise qui lui a apporté sa bière, puis le repas, puis son autre bière, avant de partir pour sa réunion. Son manque d’activité a ankylosé ses jambes. Il va profiter d’être debout pour aller aux toilettes. Roland baisse son pantalon de survêtement mais ne parvient pas à se retourner suffisamment pour voir ses fesses.

Le pantalon toujours en bas des jambes, Roland traîne ses pantoufles jusque dans l’entrée et tente d’examiner son postérieur dans le grand miroir. Là aussi, c’est difficile mais déjà il voit mieux. En bas de sa fesse droite, il y a une grosse inflammation, la peau est à vif et forme comme un bouton rouge pas très beau.

Il s’inquiète. D’où peut provenir cette lésion ? Aurait-il une maladie ? Et Denise qui n’est pas là…

Chapitre 13

Il est tard ; plusieurs personnes sont parties déjà. Le débat se poursuit néanmoins.

– Par exemple, dit Manu, dans des pays en guerre : pendant que les Sympathisants sont sur le terrain, occupés à soulager les douleurs des autres, la guerre continue. Il pourrait y avoir cinq cent personnes occupées à sympathiser, la guerre continuerait toujours, n’est-ce pas ? Vous, les gens du GESA, quand vous allez rendre visite à une vieille dame qui meurt de solitude, dans le monde, il y en a encore plein d’autres comme elle. Vous pourrez être des centaines à sympathiser, dès que vous aurez fini votre action, toutes ces personnes retrouveront leur solitude et leur souffrance. La Sympathie ne change rien à l’ordre des choses.

– N’exagérons rien, objecte Alain. Il y a…

– Nous aidons les gens pour une durée bien définie, poursuit Manu, et pendant ce temps, le monde continue de tourner, avec toutes ses horreurs.

– Sympathiser, ça nous occupe. Ça nous donne l’impression de faire quelque chose pour le monde.

Tout le monde se tourne vers Patricio qui, son verre à la main, était appuyé contre le mur près de la porte, peut-être depuis un moment. En guise d’excuse pour sa tirade, il a un geste d’impuissance.

– Aujourd’hui même, reprend Manu, un attentat a eu lieu à l’encontre d’une association de Sympathisants. Pourquoi ?

– En ce qui concerne l’attentat du siège d’AMM, il s’agissait d’un règlement de compte interpersonnel, prétend Édith.

– Ça, c’est ce que dit le siège, objecte Manu.

Marie en a assez de ce débat. En plus, depuis tout à l’heure, après deux bières à la suite, elle a une envie pressante et se retient pour ne pas rater de moments intéressants.

Mais attendons encore un peu ; Denise lève la main :

– Je voudrais vous parler de quelque chose qui me tient à cœur. Il s’agit de ma mère. Elle est décédée il y a dix mois. C’était quelqu’un qui avait beaucoup d’amis. Tout le monde l’aimait. Quand elle est tombée malade, on ne savait pas au juste ce qu’elle avait. Elle a beaucoup tardé à voir un médecin parce qu’elle avait peur qu’il lui annonce qu’elle avait quelque chose de grave. Comme elle souffrait, tous ses amis défilaient chez elle pour sympathiser. Quand j’allais la voir, elle était toujours entourée de quatre ou cinq amis. Finalement, le médecin nous a annoncé qu’elle avait un cancer. Et elle est décédée comme ça, sans souffrir. J’y pense souvent, et je me dis quelquefois que, sans la Sympathie, elle serait peut-être encore là.

L’intervention de Denise laisse l’assistance perplexe. Marie rompt le silence pour commenter ce témoignage.

– C’est vrai, la Sympathie peut aider le médecin à établir son diagnostic, mais parfois aussi le retarder pour le faire.

Le professeur d’université s’éclaircit la voix :

– Certains médecins commencent à trouver la Sympathie dangereuse pour cette raison, alors que d’autres affirment qu’elle favorise la médecine “expectante”, c’est-à-dire la médecine qui préfère “laisser la nature faire son travail”, méthode qui est plus efficace si le patient souffre moins.

– Oui, ajoute Marie, cela dépend surtout de la maladie dont souffre le patient.

Plusieurs personnes se mettent à discuter entre elles pour commenter ces dernières interventions.
Il ne reste plus beaucoup de monde. Certains participants sont simplement sortis fumer. Manu compte rapidement le nombre de personnes qui restent. Ils ne sont plus que neuf dans la salle. Il échange un regard avec Alain, qui comprend lui aussi que vient le moment de conclure.

– Ecoutez, les amis, dit-il. J’invite ceux qui souhaitent approfondir toutes ces réflexions à se retrouver ici-même très prochainement, à une date qui conviendra à tous.

Bruits de chaises. Plusieurs participants se rapprochent pour prolonger des discussions, tandis que d’autres sortent leur agenda.

Chapitre 14

Huit heures moins le quart. La fraîcheur de la nuit ne s’est pas encore dissipée. Ils ont prévu de la pluie pour cet après-midi ; Alain a prévu les bâches pour protéger son stand.

Installé sur le trottoir de la pharmacie, il fait face à l’église et se trouve satisfait de cet emplacement très fréquenté. On ne peut pas en dire autant des gens qui sont installés plus bas, dans la petite rue qui va vers le stade : elle est légèrement en pente et les exposants doivent prendre garde aux objets qui roulent. Alain s’amuse beaucoup en observant de loin les dames qui crient parce que le portant à vêtements ou la poussette s’en vont tout à coup, alors qu’elles ont le dos tourné.

Presque tous les vendeurs sont arrivés. Dans les espaces qui leur sont attribués, ils aménagent leur boutique d’un jour, déjà accostés par les professionnels et les connaisseurs, car les meilleures affaires se font à cette heure matinale. Tableaux, livres et antiquités sont pris d’assaut à peine sortis du coffre de la voiture. C’est qu’ils ont l’air d’avoir des choses intéressantes par là-bas.

D’ailleurs, voici Nicolas qui remonte la rue, trois albums sous le bras. Passionné de bandes dessinées, il vient de faire un petit tour dans la brocante. Avisant Alain, il exhibe triomphalement ses nouvelles acquisitions, avant de les ranger dans sa voiture, puis il termine le déballage de ses livres à vendre.

Et c’est parti pour un dimanche comme Alain les aime. Aujourd’hui, Nicolas et lui se sont inscrits pour un vide-grenier à Chanvy-sur-Cher. En général, cela marche mieux à la campagne. C’est aussi plus agréable. Tout est réuni pour que la journée soit plaisante : fraîcheur mais déjà petit rayon de soleil, convivialité, il semblerait, affaires aussi, assurément.

Autour d’eux, les autres exposants achèvent leur installation. Eux non plus n’ont pas oublié les bâches et les parapluies, au cas où, même s’ils désignent l’astre du jour avec dédain, mais non, il ne va pas pleuvoir aujourd’hui, regarde ce ciel.

Les gens du comité des fêtes, tous d’excellente humeur, installent sans hâte le stand buvette, tout en échangeant maintes plaisanteries. Certains portent même d’amusants chapeaux à grelots.

Plus loin, un tout petit carrousel tourne déjà, entraînant avec lui trois enfants en bas âge, tandis que criaille une musique énervante, des reprises insipides de divers tubes de variétés.

Quelques familles se pressent entre les parasols et les tables à tréteaux, en quête de bonnes affaires. Les vêtements pour bébés sont pris d’assaut, tandis que l’on discute le prix des vieux abat-jour, des timbres de collection et des plaques émaillées.

Midi. L’air s’emplit d’un fumet d’andouillette grillée. Pour Alain et Nicolas, c’est l’heure de l’apéro. Assis sur des tabourets pliants, ils boivent du muscat dans des gobelets en carton, tout en partageant un bon saucisson fermier.

– Bonjour les Sympathisants ! Alors, on fait des affaires ? C’est Édith, que les deux amis n’avaient pas vue arriver.

– Ça peut aller, répond Alain.

Édith minaude en s’approchant du stand :

– Vous êtes restés tard hier après le débat… Je devais ramener l’abbé Rodolphe, et il a préféré rester avec vous. J’ai vu que vous étiez un petit groupe occupé à discuter. Ça avait l’air animé ; je suis partie sans oser vous demander le sujet de votre discussion, pouffe-t-elle.

– Oui, c’était une discussion intéressante. Euh… Cinq euros madame, dit Alain en se levant.

– On parlait des origines de la Sympathie, ajoute Nicolas. Déterminée à en savoir plus, Édith s’installe sur le tabouret d’Alain.

– La famille de Sainte-Victoire ?

– Oui, entre autres. En fait, il y en a beaucoup qui ne sont pas sûrs que ce soit l’origine réelle. On a décidé de mener une enquête.

– Ah, dit Édith, impressionnée, une enquête ? Et qui va faire ça ?

– Nous tous, chacun va d’abord rassembler tous les documents qu’il trouve et qui parlent de l’origine de la Sympathie, et tout le monde se revoit samedi prochain pour confronter tout ça.

– Vous êtes combien ?

– Attends, il y a moi, Alain, Guy, Manu, sa copine, dit Nicolas en comptant sur ses doigts, qui encore ?

– Denise, dit Alain qui revient vers eux.

– Oui, Denise… et Véronique, la nouvelle, ça fait sept.

– Ah, tiens, dit Alain, justement, quand on parle du loup…

Denise, chargée de deux grands sacs bariolés, marche dans l’allée de la brocante. Son visage s’éclaire en reconnaissant ses nouveaux amis. Heureuse de les rencontrer, elle vient les embrasser.

– Alors ? lui demande Alain, tu as fait des affaires ?

– Oh, des babioles, comme d’habitude, mais attends, attends, il y a un truc que je voudrais te montrer.

Fébrile, Denise sort de l’un de ses sacs une revue d’histoire.

– Tiens-toi bien, c’est un long article, un dossier, même, sur l’aristo, tu sais, celui qui vivait dans le village où la Sympathie a commencé… Sainte-Victoire. C’est des amis à moi qui ont un stand, là-bas, et je leur parlais de la réunion d’hier. Alors ils m’ont donné ça.

Édith et les deux hommes s’approchent pour voir le document. C’est une revue qui relate des événements historiques sur un mode sensationnel.

– Et ça date de quand ?

– De septembre. Ils parlent du début d’AMM.

Alain parcourt le début de l’article. Il s’agit de la vie sans doute romancée d’André de Sainte-Victoire. À considérer avec précaution. Mais de toute façon, les recherches qu’il a menées lui-même sur le net ont été peu fructueuses. Il examine la couverture de la revue. Puis il s’assure :

– Tu l’apporteras… ? Tu viens samedi prochain ?

– Oui, oui, oui, je viens samedi prochain, dit Denise en rangeant sa revue.

À suivre…

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