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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Microbiotes

Comment prendre soin de nos "jardins intérieurs"

Le microbiote, c’est fini. On parle désormais des microbiotes, c'est-à-dire de l’ensemble colossal de microbes qui nous habitent, nous protègent, nous soignent, nous nourrissent et, parfois, nous attaquent ! Voyage au centre de cet univers incroyable mais vrai : notre corps humain vu sous l’angle des écosystèmes microbiens. 

Depuis quelques années, on n’entend parler que de lui : le microbiote. Comprenez « le microbiote intestinal », anciennement « flore intestinale » ; pourtant, l’ellipse ne devrait justement pas aller de soi. Car le microbiote, qui se définit globalement comme « un ensemble de microbes vivant dans un environnement spécifique, le microbiome », n’est pas cantonné à notre tube digestif ! Loin s’en faut. 

L’homme, un hébergeur de microbiotes

En fait, cette sorte de jardin intérieur constitué d’une foultitude de micro-organismes – pas uniquement des « bonnes bactéries » contrairement aux idées reçues – colonise l’intégralité de nos « surfaces » : peau, lèvres, cheveux, yeux, muqueuses des poumons, oreilles, vagin… Même ce que l’on imaginait stérile jusque-là (poumon, placenta…) ne l’est pas ! 

Ainsi, ce microbiote est un véritable écosystème avec ses lois, son équilibre, ses maladies (et déséquilibres). Cutané (sur notre peau), unguéal (nos ongles), génital, pulmonaire, oculaire, buccal, tous ces microbiotes, bien que moins étudiés que leur grand frère intestinal, doivent tout autant être respectés ! Car les scientifiques sont désormais clairs : seule une cohabitation harmonieuse avec ET entre les différents micro-organismes (bactéries, virus, champignons) nous permet de rester en bonne santé. 

Plutôt que de considérer ces microbes comme des squatteurs inopportuns – ce qui est faux puisque sans eux nous ne pourrions survivre plus de quelques minutes – il faudra bien un jour les considérer, au contraire, comme une partie de nous-mêmes. Ils SONT nous, même si cela nous paraît étrange. Il suffit juste de penser les choses différemment : cet autre, microscopique, nous « squatte » peut-être contre notre gré, mais d’un autre côté, il nous apporte de l’énergie (digestive), une protection (anti-mycoses, anti-infections), des vitamines vitales, etc. 

À chaque zone corporelle ses souches et son écosystème

En fonction de l’emplacement (soleil, lumière, air…), de l’environnement (tuyaux respiratoires obscurs, partie extérieure de l’ongle, raie au milieu du cuir chevelu…), de la météo (chaleur, humidité), de ce que nous avalons (sucre, gras, protéines, fibres…), de notre niveau d’activité physique – et donc de l’afflux de sang, d’oxygène, d’acide lactique dans le corps –, les souches diffèrent d’une personne à l’autre, mais aussi d’un centimètre carré de peau à l’autre. Ainsi, la nature des bactéries et des virus n’est pas la même dans le gros intestin et dans le grêle, derrière les oreilles ou sur les joues. 

Au final, l’ensemble de tout ce petit monde, c’est nous. Voilà pourquoi les spécialistes estiment aujourd’hui que l’humain est presque 10 fois plus microbien qu’humain, « c’est un hybride mammifère-microbe, un super-organisme, notre microbiote excédant respectivement d’un facteur 10 en nombre de cellules et 150 en nombre de gènes le nombre de cellules composant notre corps et le nombre de gènes actifs composant notre génome. »*. 

 

Le grand malentendu

Il y a un malentendu. Depuis ce bon vieux Pasteur, qui a incontestablement sauvé des millions de vies, nous confondons « hygiène » et « élimination totale et massive des microbes ». Un peu comme on assimile « entretien des champs » à « pesticides qui tuent tout ». Comme si le corps (comme les plantations) devait être pur, c’est-à-dire débarrassé de tout micro-organisme. 

Cette confusion s’est aggravée avec la crise de la Covid-19 : on se méfie de tout, de tous et de tout le monde, on s’asperge les mains de gel hydroalcoolique pour « se purifier ». Bref : on se sent « soi-même » propre, ce sont « les autres » (le voisin, la caissière…) qui véhiculent le mal (le virus, la bactérie, le champignon…). Ainsi, notre peau est-elle chaque jour l’objet d’un génocide (douche aux produits agressifs), notre intestin le siège d’une guerre des tranchées (les additifs de type conservateurs sont des tueurs en série de bactéries, c’est leur travail : ils dégomment aussi les « bonnes »). Or, l’immense majorité des microbes présents sur et dans notre corps sont, au pire inoffensifs, au mieux indispensables. De par leur simple présence, ils empêchent les « méchants microbes » de s’installer (plan d’occupation des sols), produisent différentes molécules chimiques pour se protéger (qui nous défendent au passage). Les agresser, les tuer, c’est nous fragiliser nous-mêmes.

L’exemple des antibiotiques s’applique à tout traitement « agressif » envers nos microbiotes : les lingettes antiseptiques et autres gels hydroalcooliques, employés de manière déraisonnable depuis l’épidémie de coronavirus, détruisent précisément la flore bactérienne protectrice sur notre peau, fragilisant et asséchant notre épiderme, ouvrant ainsi grand la porte à des microbes et virus dont on ne veut surtout pas ! Pareil pour les produits ménagers « qui détruisent 99,9 % des microbes » : oui, il faut nettoyer, mais pas désinfecter ! 

Microbiotes appauvris, maladies garanties

Car voilà le cœur du problème : les chercheurs savent depuis peu que plus un écosystème est diversifié et riche, plus il est protecteur. Ça marche aussi bien pour une forêt dans le Morvan ou en Amazonie que pour une flore intestinale ! Et, donc, plus nos microbiotes sont diversifiés et riches, plus nous sommes forts face aux troubles digestifs, infections, maladies métaboliques (surpoids, diabète, certaines maladies de la thyroïde…) ou auto-immunes, douleurs (articulations), troubles du comportement (oui, l’impact des microbiotes va jusque-là). 

Par exemple, une flore intestinale très diversifiée protège du surpoids et des fringales, alors qu’au contraire, appauvrie à cause d’une nourriture monotone, industrielle, aseptisée, pleine d’additifs, elle est associée à un appétit plus grand et à une tendance au stockage. 

Même chose pour la peau : une flore cutanée diversifiée est bénéfique, alors qu’appauvrie elle favorise la dermatite atopique. La liste des liens entre microbiotes pulmonaire, oculaire, génital, capillaire… et notre santé est longue ! 

Or, dans nos villes aseptisées, avec notre nourriture aseptisée, nos loisirs aseptisés et nos habitudes aseptisées (que nous prenons pour de l’hygiène), la diversité de nos microbiotes s’est considérablement dégradée. En parallèle, les maladies dites de civilisation ont considérablement augmenté. Certes, corrélation ne signifie pas directement cause à effet, mais les scientifiques lèvent peu à peu le voile sur cette équation, appelée « la théorie hygiéniste ». Plus un environnement est aseptisé, plus on développe certaines maladies telles que les allergies, les troubles métaboliques… Il ne s’agit pas de se rouler dans la boue et de passer à table les mains sales, mais de trouver un juste milieu (voir plus loin). 

*

Une maladie, des microbiotes

Si jadis il était d’usage de considérer simplement qu’à une maladie correspondaient un ou des symptômes et une ou des molécules pour la soigner, c’est de l’histoire ancienne. Il n’est plus possible aujourd’hui de traiter une mycose, un diabète, une polyarthrite rhumatoïde, un eczéma, un psoriasis, une infection urinaire ou ORL récidivante, une diarrhée chronique, une immunité faible, une allergie ou une intolérance, un surpoids rebelle… sans traiter AUSSI le ou les microbiotes concernés. Cela signifie AUSSI réfléchir aux traitements prescrits de manière automatique, mais qui, de toute évidence, ne sont plus les bons dès lors qu’une pathologie revient régulièrement. 

Par exemple, une cystite récidivante, qui finira de toute façon par résister à tout traitement si l’on ignore ce facteur « microbiote », ne peut simplement pas être soignée par des antibiotiques à répétition. On sait que la prise de certains jus (cranberry…) ou probiotiques (Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus fermentum et rhamnosus) espace les épisodes de récidive, justement en empêchant l’installation d’Escherichia coli. Cette stratégie est nettement plus efficace que d’attaquer Escherichia à coups de bazookas antibiotiques, auxquels en plus elle s’habitue. 

Autre cas où l’intérêt des microbiotes est manifeste, la grossesse : le microbiote intestinal de la maman évolue en permanence, pour faire face aux besoins évolutifs du petit. 

Quant au microbiote du placenta, il produit des vitamines indispensables au développement du fœtus. Déséquilibré, il pourrait provoquer un accouchement prématuré, un diabète gestationnel, etc. 

15 conseils pratiques pour prendre soin de ses microbiotes, donc de soi 

Mode d’emploi pour respecter ses hôtes tout en ne les laissant pas trop prendre leurs aises non plus !

1. Variez au maximum votre alimentation

Plus vous mangez d’aliments différents, plus vous développerez de souches différentes dans votre flore intestinale. Focalisez sur les aliments naturels, bruts, peu cuits, fuyez les produits hyper industriels bourrés d’additifs (notamment de conservateurs qui déciment les bactéries).

2. Consommez à chaque repas des fruits, légumes, légumineuses, du thé

3. Consommez chaque jour des aliments riches en probiotiques (bactéries amies)

Lait fermenté, kimchi, choucroute, olives, hydromel, levure de bière, fromage au lait non pasteurisé (avec sa croûte), kombucha, boissons fermentées à base de plantes (frênette, chanvrette…), kéfir…

*

4. Préservez votre microbiote intime vagin/pénis pour éviter mycoses, vaginose, démangeaisons

5. Lavez-vous les mains avec de l’eau et du savon

6. Le microbiote oculaire protège vos yeux

Ne les touchez pas avec des doigts sales, soyez vigilant en posant vos lentilles, clignez régulièrement des yeux, fuyez le tabac, les longues sessions sur écran. Surtout, évitez tout assèchement (déshydratation, clim…) et le maquillage in situ (mascara, eye-liner…).

7. Si vous êtes diabétique, votre microbiote cutané est « différent »

Une des raisons pour lesquelles une petite plaie peut se transformer en grand drame. Observez et chouchoutez spécialement votre peau avec des produits naturels et simples.

8. Les microbiotes s’accommodent bien d’un déséquilibre passager

9. Le tabac modifie la composition des microbiotes pulmonaire, intestinal, vaginal, cutané…

10. Méfiez-vous des polluants quotidiens

11. Microbiote buccal équilibré = moins de caries, de mauvaise haleine, de gingivite

Brossez-vous les dents 2 fois par jour. Facultatif : complétez avec un hydropulseur une fois par semaine pour les endroits inaccessibles : attention au fil dentaire, mal utilisé il peut faire mal et laminer les gencives !

12. Si vous devez prendre des antibiotiques (1er tueur de microbiote, surtout si c’est du métronidazole ou de la gentamicine, ou encore de l’ampicilline chez les enfants)

13. Jeune maman, si possible, allaitez votre enfant

En quelques jours votre bébé aura 80 % de sa flore intestinale en bifidobactéries, contre 10 % pour les bébés biberons. Dans la mesure du possible, limitez les traitements antibiotiques chez les enfants avant 3 ans : leur flore intestinale se remet encore plus difficilement que la nôtre, et elle peut faire le lit, plus tard, d’allergies, de maladie de Crohn et autres maladies auto-immunes.

14. Problèmes cutanés ? (acné, eczéma, psoriasis…) 

15. Les douleurs articulaires, tendineuses, musculaires, ligamentaires

Ils sont presque toujours associées à une inflammation de la barrière intestinale, et une modification du microbiote intestinal. Dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, même le microbiote buccal est concerné ! Quelle que soit votre douleur, et plus généralement votre pathologie, un quelconque traitement ne pourra être efficace QUE si en même temps vous prenez soin de vos microbiotes.

*Philippe Sansonetti, médecin et chercheur en microbiologie

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