PFAS : la chasse aux polluants éternels
Les PFAS, impliqués dans d’innombrables troubles de santé, sont au cœur de scandales retentissants aux USA depuis des années. Chez nous, pas un mot. Comme d’habitude, “tout va très bien Madame la Marquise.” Et maintenant, on fait quoi ?
Les 28 juin dernier, Rebelle-Santéétait à l’Assemblée nationale pour écouter Nicolas Thierry, député écologiste de Bordeaux, monter au créneau pour ce futur scandale de santé publique. Les PFAS – prononcez “pifasse” – sont des polluants que l’on touche, ingère, respire. Des perturbateurs endocriniens de la famille des alkyls poly et perfluorés. On les soupçonne fortement d’être impliqués dans l’infertilité, les cancers, en passant par les troubles du foie, de la pression artérielle, de la thyroïde, de l’immunité, le surpoids… Nicolas Thierry et son groupe souhaitent proposer prochainement une loi pour lutter contre ces polluants dits éternels, puisque, comme leur nom l’indique, ils restent éternellement dans l’environnement, et dans notre corps. Et peut-être bien – c’est là où c’est très grave – que le vecteur majeur serait… l’eau potable. Donc, même en ayant une hygiène de vie saine, nous y sommes tous exposés, qui que l’on soit, quels que soient notre âge, notre profession, notre lieu de vie.
Des PFAS dans leurs cheveux (et dans les nôtres)
Pour marquer les esprits et alerter le grand public, Nicolas Thierry a initié un dosage des PFAS dans les cheveux de 14 députés par un laboratoire indépendant. Drame : tous étaient contaminés, dont certains à des dosages largement supérieurs aux seuils considérés comme problématiques ! Et s’ils le sont, nous le sommes très certainement nous aussi. “Les PFAS sont une grande famille de substances chimiques développées par les industriels à partir des années 1940, explique-t-il. Il en existe probablement autour de 12 000. Leur point commun est d’être composés d’une chaîne de molécules carbone-fluor, très solide, qui leur confère toutes sortes de propriétés très recherchées dans l’industrie : ils sont capables, par exemple, de rester stables sous de très fortes chaleurs, ont des propriétés antitaches ou antiadhésives. On a tous à l’esprit le cas de certaines poêles de cuisson. Mais c’est un exemple parmi des centaines d’applications différentes en vigueur“.
“Nous avons analysé seulement 1 millième des PFAS auxquels nous sommes exposés, et tous sont présents chez chacun des individus testés”, détaille le laboratoire indépendant ayant procédé aux analyses. Glaçant. “Ces substances polluent deux fois, estime Nicolas Thierry : la première en dégradant nos écosystèmes et en menaçant gravement notre santé. La seconde en distillant, au cœur de nos institutions, une culture de l’impunité pour préserver les intérêts financiers au détriment de nos vies“
La bourse ou la vie !
Car bien sûr, comme toujours, il y a une histoire de gros sous. Sur fond, quelle surprise, de lobby économique. Aux USA, les PFAS sont au cœur d’un nombre fou de procès. C’est un scandale tel que 3M (Scotch, Post-it…) vient d’accepter de céder 12,5 milliards pour éteindre toutes les procédures judiciaires à leur encontre (tout en n’acceptant pas d’être reconnus responsables, un comble !). Même chose pour Chemours, DuPont de Nemours et Corteva, des groupes chimiques américains “achetant” l’extinction des poursuites à leur encontre pour continuer à polluer l’eau potable avec leurs PFAS.
Et nous, on fait quoi ? Et demain ?
Dans le projet de loi, déjà, la base : interdire les PFAS dès 2025 là où on peut s’en passer, dans les tissus, les matériaux au contact des denrées alimentaires, les mousses anti-incendies (le Danemark fait de même). Ensuite, rendre obligatoire le contrôle des PFAS dans l’eau potable, chose pour le moment “bloquée” pour des raisons obscures et infondées. Et nous, dès aujourd’hui, on évite de consommer des aliments dans des emballages à usage unique (pellicule plastifiée), d’acheter des cosmétiques waterproof ou “longue tenue” et d’utiliser des objets (tapis, vêtements, meubles, sac à dos, tente…) imperméabilisants/imperméabilisés ou antitaches. Si on a une poêle antiadhésive, on peut l’utiliser à condition qu’elle ne soit pas rayée, en deçà de 260 °C (on ne la laisse pas sur la chaleur à vide), sinon on la jette et on achète à la place de l’acier, de la fonte ou de l’inox. D’une manière générale, en alimentation ou bricolage, beauté… plus la liste d’ingrédients est courte, mieux ça vaut.
