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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Quand les collectivités s’interrogent

Les petites communes, villes moyennes, agglomérations, départements, régions et autres sont aussi des jardiniers, et ce sont des jardiniers qui ont des idées !

Un petit coup d’oeil du côté des pratiques des collectivités en matière de jardinage n’est pas inintéressant. Ces structures gèrent très souvent des espaces assez considérables de plusieurs hectares, voire centaines d’hectares pour les plus grandes, et elles doivent répondre à de multiples contraintes : qualité esthétique quelle que soit la période de l’année, maîtrise des coûts (y compris ceux relatifs au temps de travail des services techniques), adaptation à des usages très divers des espaces (décoration, promenades, usage sportif…), exigences des administrés, des services de l’État… Bref, dans ce cadre, est-ce qu’il y a une toute petite pensée pour une approche plus respectueuse de l’environnement, voire au moins «un peu bio» ?
Il est difficile, à moins d’engager une longue enquête, de répondre de façon complète pour toutes les collectivités de France, mais quelques exemples montrent que les choses bougent et qu’une prise de conscience existe. A nous citoyens d’être plus regardants sur la façon dont nos élus décident de la gestion de la nature qu’ils ont en charge, à nous de nous manifester, de donner des idées, d’éveiller les questionnements pour que l’utilisation des produits chimiques reculent et pour que les gaspillages d’eau et d’énergie soient réduits.

Les herbicides

Le gros problème des collectivités est celui du désherbage. Rien d’étonnant pour qui fait un peu de jardin, sauf que, dans ce cas de figure, il n’est pas question d’envisager de biner. Pour des raisons de coûts, entre autres, les jardins et autres espaces publics sont donc désherbés chimiquement. Or, bien souvent, on constate une utilisation excessive ou une inadaptation des produits.
Quelques chiffres intéressants : 98 % des communes utilisent des produits chimiques de traitement, ce qui correspond à 34 Kg/an en moyenne par commune, et sur les 175 molécules différentes utilisées, 94 % sont des herbicides. Et les herbicides, tout le monde le sait, sont de gros polluants des eaux ! Ce risque de pollution des eaux est encore plus sérieux dans les milieux urbains que dans les jardins. En effet, la terre fait en quelque sorte tampon car elle ralentit le transfert, voire elle retient certaines molécules. En ville, de nombreuses surfaces sont bitumées ou compactées avec des matériaux qui améliorent notre confort de circulation, mais tous les produits déposés en surface sont entraînés par les eaux lors des pluies ou des lavages.

Encore des chiffres : pour évaluer le risque, on calcule un risque de transfert des molécules de produit herbicide vers les nappes en fonction de la pluviométrie. Les résultats sont stupéfiants :
– dans une parcelle cultivée (champ ou jardin), le risque de transfert est de 1 % pour 10 mm de pluie
– sur un trottoir bitumé ou un sablé compacté, le risque de transfert varie de 33 % pour le diuron à 27 % pour l’amminotriazole et à 20 % pour le glyphosate, dès le premier mm de pluie tombé ! (les trois produits mentionnés sont les plus utilisés pour le désherbage urbain ou de voierie).

Le risque pour la potabilité de l’eau est d’autant plus fort qu’actuellement, on ne sait pas éliminer ces substances lors du traitement des eaux ! Attention, s’il y a indéniablement un effet «urbain» pour la pollution des eaux par les herbicides, les services municipaux et autres ne sont pas les seuls en cause. En effet, de nombreux particuliers désherbent le bord de leur mur, de leur clôture et leurs allées, et toutes ces substances se retrouvent dans l’eau aussi !

Une prise de conscience

Face à ce constat, heureusement, des collectivités ont réagi. Au niveau de certaines régions, les DRAF (Directions Régionales de l’Agriculture et de la Forêt) ou les DIREN (Directions Régionales de l’Environnement), en collaboration et à la demande des Conseils Régionaux, ont mis en place un plan d’évaluation des risques et de soutien aux actions des communes. Ailleurs, ce sont les communes qui ont initié des actions, entraînant avec elles les communes environnantes. Sans doute qu’à des niveaux encore plus restreints, des actions se mettent en place et c’est tant mieux.

Petite présentation des études de risques menées au niveau régional
Vous l’avez compris, le problème est vaste et complexe car il concerne des territoires très divers, des acteurs de la vie publique tout aussi divers : les élus, différentes administrations en charge de l’eau et de sa qualité, les chargés d’études, les responsables des services jardins et espaces verts des communes, les ouvriers qui, au quotidien, font le travail et enfin les habitants. Les budgets, quant à eux, sont très variables d’une région à l’autre ! Pour que les remèdes soient efficaces, il faut un bon diagnostic et une prescription réaliste adaptée au patient. C’est dans cette logique que la plupart des régions et des administrations ont, semble-t-il, travaillé. Certaines se sont fixé un objectif de zéro produit phytosanitaire dans cinq ans pour les zones à risque fort de pollution.

Tout d’abord, établir un état des lieux : confirmation de la pollution des eaux par les produits phytosanitaires, évaluation des matières et des quantités en cause et définition de territoires prioritaires car plus sensibles en termes de risques pour l’eau. Dans les zones prioritaires, on trouvera par exemple les zones bitumées en pente, les zones proches de l’eau ou d’un collecteur d’eau, les zones d’habitat avec une forte pression de désherbage à la fois par la collectivité et les particuliers (traitement des limites), les zones à forte pluviométrie, à accueil touristique important…
Ensuite réfléchir, initier et soutenir un plan d’action. Le plan de désherbage qui est proposé s’inscrit certes dans un cahier des charges régional, mais il s’adapte aux spécificités des différentes communes car il s’appuie sur la mise en place d’un réseau de communes pilotes qui expérimentent avant les autres toutes les étapes du plan (organisation technique du désherbage, suivi de la qualité des eaux, expériences sur des techniques de désherbage alternatives…).
La dernière étape consiste en la diffusion des méthodes. Ces méthodes doivent avoir à la fois une bonne faisabilité technique et une excellente faisabilité financière pour convaincre.

Le désherbage thermique à l’échelle communale

En Sarthe, à Clermont-Créans, on expérimente le désherbage thermique depuis quelques années. Le choix qui a été fait est le désherbage avec de l’eau chaude sur la majorité des surfaces communales, le désherbage à la flamme étant limité à certains cas. Les constats sont réalistes et encourageants car ils montrent tout l’intérêt d’une technique alternative pour améliorer la qualité de l’eau et diminuer les coûts, et ils apportent des pistes pour améliorer la technique si on veut l’utiliser à grande échelle.

Voici quelques éléments à retenir :
– l’eau chaude est pulvérisée au collet des plantes à 95°C (pression 1 bar) et la vitesse moyenne d’avancement est de 3Kmh-1. L’efficacité n’est pas à discuter, il faut éventuellement passer plusieurs fois,
– ce mode de désherbage peut se faire par tous les temps, contrairement aux produits phytosanitaires qui nécessitent des conditions de température : pas de vent, pas de pluie,
– désherber à l’eau limite l’arrosage !
– un bémol : pour être efficace, il faut laisser les plantes pousser avant d’intervenir et cela est souvent difficile à accepter pour les riverains qui pensent avoir été oubliés dans le plan de désherbage de la commune.
En principe, si les choses ont été expliquées, il n’y a pas de souci. Par contre, l’expérience montre qu’il faut être vigilant et redire les choses souvent pour éviter que les particuliers décident de faire eux-mêmes le désherbage, et avec un produit chimique !

Quelques enseignements à tirer

Très vite, on se rend compte que le désherbage des espaces publics sera amélioré si on pense l’aménagement de la ville ainsi :
– pour le pied des arbres, il y a les enrobés drainants, le paillage, les plantations couvre-sol,
– pour les massifs, le paillage est incontournable,
– le balayage régulier limite l’installation des herbes indésirables dans certains endroits,
– les particuliers doivent accepter de voir de l’herbe en ville, au moins le temps qu’elle arrive au bon stade pour être détruite par une technique non polluante ; la communication est essentielle,
– il faut impliquer les particuliers, la création d’un prix écojardin va dans ce sens puisqu’elle intègre une évaluation des bonnes pratiques, notamment pour le traitement des limites,
– il faut construire et aménager la ville en prenant en compte, dès le début, la gestion des espaces verts de façon à limiter les situations à risques (norme HQE : Haute qualité environnementale),
– pour améliorer le nettoyage de l’eau, on peut travailler avec des jardins filtrants, les plantes cultivées dans ces jardins (saulaies, massette), une fois broyées, fourniront le paillage des massifs.

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