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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Elle a décidé de nettoyer l’Everest !

De Lhassa aux sommets himalayens, jusqu’au grand plateau de l’Ouest tibétain, Marion Chaygneaud-Dupuy a lancé une myriade de projets écologiques, humanitaires et spirituels. Amoureuse du Tibet et de sa culture, elle s’est lancé un défi incroyable : nettoyer le toit du monde.

À écouter la vie de Marion Chaygneaud-Dupuy, on pourrait se croire dans un roman de découverte du début du XXe siècle, à l’époque où certaines femmes éclairées et volontaires n’écoutaient que leur soif de découverte et d’altruisme pour repousser certaines limites…

Âgée d’à peine 40 ans, Marion Chaygneaud-Dupuy est la première européenne à avoir gravi trois fois l’Everest par la face Nord. Elle a mené à bien plus de 150 projets sociaux, soutenu les nomades des hauts plateaux, créé un label d’écotourisme dans l’Himalaya et lancé ce projet fou d’éliminer les 10 tonnes de déchets qui jonchent l’Everest.

Un électrochoc en Inde

Tout commence à 16 ans lorsqu’elle rend visite au père d’une amie, médecin dans les rues de Calcutta, en Inde. De plein fouet, elle reçoit la souffrance, la maladie, la mort et, en même temps, une ouverture du cœur. Voulant comprendre ce tourbillon, elle se dirige vers le bouddhisme qui éclairera tout son parcours…

La force de l’intérieur

Marion ne cherche pas la performance et ne place pas ses objectifs au niveau sportif. C’est sur un tout autre terrain qu’elle a positionné ses actions et sa vie, un parcours spirituel fait d’expériences méditatives, d’ouverture du cœur et d’observation de l’esprit. S’appuyant sur la tradition bouddhiste, elle a orienté toute sa vie vers la recherche de la compassion qui permet d’aider l’autre sans se perdre soi-même.

Pour Rebelle-Santé, Marion Chaygneaud-Dupuy revient sur cette aventure écologique et spirituelle.

Rebelle-Santé : À Calcutta, le déclic était davantage spirituel qu’humanitaire ?

*Marion Chaygneaud-Dupuy  : Oui, je n’étais pas infirmière ni aide-soignante, et avant tout, je voulais développer des compétences intérieures : comment stabiliser cet état d’être touché par l’autre, et entrer en résonance avec sa souffrance ? Et sans tomber dans la détresse, en gardant mes propres ressources. J’ai senti qu’il y avait une force incroyable dans la tradition spirituelle du bouddhisme. Elle montre comment la compassion permet de passer de la détresse personnelle à une forme d’action pour l’autre. Les médecins à Calcutta avaient quelque chose de plus que je ne voyais pas en Occident. Ils avaient une sorte d’énergie qui venait de ce contact avec la souffrance, mais qui était immédiatement transformé en pouvoir d’action. 

Vous vous êtes engagée dans la voie bouddhiste et vous êtes partie vivre dans un monastère…

Je voulais être formée au bouddhisme tibétain, pour développer la compassion. J’avais très envie, à terme, de m’impliquer dans des actions humanitaires et d’aller sur le terrain, donc j’ai posé l’intention auprès de mon maître, Bokar Rimpotché, de devenir une travailleuse sociale. Cela a duré presque quatre ans, au monastère, coupée du monde. Mais cela a développé mon envie d’aller vers les autres.

Vous pratiquez le Tonglen, de quoi s’agit-il ?

En tibétain, Tonglen veut dire donner et recevoir. Recevoir, j’inspire le poison, la douleur ; donner, j’expire la vie, la lumière. La pratique de Tonglen est incluse dans un corpus d’enseignement qui se nomme « l’entraînement de l’esprit ». Elle s’appuie sur le souffle pour inspirer la souffrance sous forme de lumière noire et expirer une lumière blanche, spacieuse, source de bonheur. « Le grand secret » consiste à échanger son bonheur contre la souffrance d’autrui. Cela ouvre un lien spacieux et lumineux entre soi et l’extérieur. C’est devenu la pierre angulaire de mon cheminement. Elle m’a donné le courage d’aller vers le monde et d’ouvrir mon cœur à la compassion, d’écouter et d’embrasser la souffrance qui vient à moi, sans qu’elle ne me submerge. 

C’est le maître bouddhiste Karmapa qui vous a ouverte ensuite à l’écologie…

Il a été une première pierre dans cette connexion de la voie spirituelle vers la foi incarnée dans la compassion en actions, tournée vers le monde. Ce maître a mobilisé tous les moines et nonnes de ses monastères, en exil en Inde, pour la protection de l’environnement. Il a créé une charte environnementale qui permet à toute cette communauté monastique – on parle de dizaines de milliers de personnes – de respecter ces principes. Je m’en suis inspirée, plus tard, pour la décliner en charte de protection de la montagne au Tibet.

Au Tibet, vous avez contribué à créer l’Institut des nomades. De quoi avaient besoin les nomades ?

*

Au monastère, mon maître de méditation souhaitait qu’un projet voie le jour pour aider les nomades de sa région natale, dans l’ouest du Tibet. Là-bas, ils sont confrontés à la transition d’un mode de vie traditionnel à un mode de vie moderne, sachant que tout le territoire se modernise avec une industrialisation et une urbanisation de la région pour relocaliser les nomades. Ils avaient besoin d’aide pour garder leur autonomie et pour savoir vivre dans ce monde nouveau avec des codes et des savoirs qui leur étaient étrangers. L’institut des nomades est né presque 10 ans plus tard. 

Ensuite, vous êtes devenue guide spécialisée en écotourisme dans l’Himalaya et vous avez créé votre propre agence…

L’idée était de réinventer une manière d’être Tibétain bouddhiste dans la société moderne tibétaine, avec une dimension écologique. J’ai donc agi en tant que consultante vis-à-vis d’agences de voyages, car il y a beaucoup de tourisme au Tibet. Tout le monde a compris que c’était un enjeu pour l’environnement de développer un tourisme responsable. Nous avons créé une plate-forme d’agences avec un écolabel « Global Nomad ».

Est venue alors la première ascension de l’Everest. Qu’avez-vous ressenti ?

Il y a d’abord le contact avec la difficulté, et la souffrance qui s’est élargie pour résonner avec celle de la montagne qui a été polluée, dégradée, avec des coulées de déchets depuis le camp de base jusqu’au sommet. Cela forme en moi une sorte de brisure par laquelle naît cette motivation de rendre à la montagne sa pureté.

Vous avez décidé de lancer le projet « Clean Everest ». Comment s’est fait le passage
à l’acte ?

*

Ça a été très simple. Je suis allée sur l’Everest car je travaillais déjà avec des guides tibétains qui voulaient réincorporer les valeurs tibétaines dans leur activité parce qu’ils se trouvaient perdus dans cette course aux profits. C’est ainsi qu’en 2011 j’ai donné des cours sur l’environnement dans leur compagnie de guides à Lhassa. 

Ensuite, j’ai gravi de petits sommets avec eux, pour comprendre les enjeux écologiques. En 2013, je suis allée jusqu’au sommet de l’Everest une première fois avec eux pour faire un diagnostic des déchets sur place. Là, j’ai vu l’ampleur du problème. Heureusement les 100 guides de cette agence d’expédition étaient déjà mobilisés et partageaient cette vision de protection de la montagne. J’ai aussi impliqué le plus d’étrangers possible pour que ce soit un travail commun et pour bénéficier de quelques compétences notamment de structuration. Ensuite, j’ai aidé les guides à rédiger ce qui allait devenir la charte officielle de protection de la montagne.  

Était-ce compliqué de descendre les déchets ?

*

Très compliqué. Selon les différentes altitudes, ce sont des transports à dos d’homme ou avec des yaks. Ensuite, à partir du camp de base, on utilise des camions, pour redescendre les déchets jusqu’au bout de la chaîne de recyclage. La moitié des déchets était à 6500 m, altitude que très peu de gens peuvent atteindre. Cela a pris du temps pour trouver des personnes capables de monter si haut. Au-dessus de ces zones, les bénévoles ne peuvent même plus monter, ce sont les sherpas qui s’y rendent pour transporter du matériel d’expédition, mais ils redescendent à vide. On leur a donc demandé de rapporter les déchets et on les payait au kilo, pour leur fournir quelques revenus supplémentaires.

Comment cela a été financé ?

Mes sponsors m’ont aidée pour les trois premières expéditions. Après, les Tibétains eux-mêmes ont créé un livre de photos de haute montagne qu’ils ont vendu pour payer les kilos de déchets redescendus des différents camps. Ensuite, le gouvernement s’est impliqué et de nombreux fonds sont arrivés. J’ai réfléchi à la sensibilisation pour faire descendre cet écolabel « Clean Everest » dans la plaine et partout où il y a des montagnes, pour protéger les sites contre la pollution.

Pour plus d’informations : 

*Respire, tu es vivante
de Marion Chaygneaud-Dupuy
Éditions Massot
20,90 € 
(ebook :  15,99 €).

Si vous ne trouvez pas ce livre, consultez le site www.placedeslibraires.fr vous aurez les adresses de toutes les librairies où il est en stock.

Une partie des recettes de la vente du livre sert à financer des projets écologiques et humains au cœur du Tibet : www.highland-initiatives.com

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