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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les sympathisants

Épisode 16

Résumé : Tandis que le scientifique Pierre Gassendi est sur le point de partir pour l’Amazonie, l’association sympathisante Amitié Moindre Mal prépare une grande cérémonie pour célébrer sa première année d’existence.
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Sur les rives du Rio Negro

Chapitre 8

Il est bientôt 6 heures et la nuit tombe déjà. Fraile allume les lumières de sa cabane. L’explorateur Dos Santos et ses deux guides passent en revue une dernière fois le matériel : plans, équipements de navigation, trousse de secours, médicaments, gilets de sauvetage, cordes, appareil photo, téléphones, lampes, batteries, outils de réparation de la pirogue, hamacs, moustiquaires, documents administratifs pour les autorités locales… Tout cela est soigneusement rangé dans des sacs étanches.

Gassendi a retrouvé Dos Santos à Manaus. Ensemble, ils ont pris livraison du matériel et se sont rendus en pirogue dans ce tout petit hameau en bord de fleuve. Pierre Gassendi aime cet endroit. Il lui rappelle la forêt tropicale de Basse-Terre près de chez lui. Leur hôte Fraile, vieil ami de Dos Santos, est un missionnaire franciscain un peu original qui vit dans ce petit bout de jungle entouré d’animaux en liberté auxquels il a donné des noms d’apôtres. Deux petits singes-écureuils très facétieux répondent aux noms de Mateo et Marco. Ils sont vraiment amusants : pas du tout farouches, ils se laissent prendre dans les mains. Pierre Gassendi a passé de longs moments à jouer avec eux aujourd’hui, jusqu’à ce que Mateo lui chipe sa montre avant d’aller se percher sur le toit de la cabane, d’où il s’est mis à le narguer en sautillant et en poussant des cris aigus. Puis il a laissé tomber la montre qui a glissé le long du toit. Pierre Gassendi l’a rattrapée et rangée. On ne l’y reprendra plus. À présent, il garde bien ses affaires à l’abri.

Cet après-midi, Jara et Chumiro, les deux guides Waimiri, sont arrivés. Fraile accueille pour la nuit les quatre voyageurs. C’est la dernière étape avant le départ. Debout près du petit réchaud, Fraile prépare une omelette aux légumes pour eux cinq. Ils vont dîner tôt car il n’y a qu’une heure d’électricité.

Pierre Gassendi s’installe dans un fauteuil à bascule sous la véranda qui s’étend le long de la façade faite de gros bambous, appelés ici guaduas. Les derniers rayons du soleil caressent encore délicatement les vagues du Rio Negro, créant des reflets dorés à la surface de l’eau. Le paysage s’adoucit progressivement à mesure que la nuit tombe, ses arbres commencent à se fondre dans l’obscurité. Le concert nocturne de la jungle joue doucement ses premiers accords, tandis que le fleuve devient une étendue d’ombres mouvantes.

Le scientifique hume les senteurs crépusculaires de la nature, mélange d’eau fraîche, de feuilles et de terre humide. L’atmosphère se fait apaisante et régénérante.

Au loin, des lumières éparses apparaissent. Ce sont celles des quelques maisons en bordure du fleuve, leurs habitants sont certainement eux aussi en train de s’affairer à préparer le repas avant la fin de l’heure d’électricité.

Alors que l’obscurité s’intensifie, le Rio Negro semble se transformer en un monde plein de promesses, de dangers peut-être, et plein de mystères aussi. Le fleuve connaît-il les réponses ? Hier à Manaus, les deux voyageurs ont reçu un appel du poète Ricardo Reis. Juste avant de raccrocher, il a assuré à Pierre Gassendi qu’il avait lu dans les arbres que le fleuve protégerait toujours les Kuryanahuas. Gassendi ne peut s’empêcher de sourire. Il a beaucoup d’amitié pour Ricardo. Quel dommage qu’il n’ait pas voulu se joindre à eux…

Pierre Gassendi perçoit à l’intérieur de la maison les voix de ses compagnons.

Demain matin, les quatre voyageurs commenceront à remonter en pirogue le Rio Negro, suivant l’itinéraire de Dos Santos il y a deux ans.

Le professeur Gordon Kind n’avait pas fait comme cela. Il était parti de San Carlos de Río Negro, tout au sud du Venezuela. Sa pirogue n’avait pas de moteur. Il avait descendu le Rio Negro, et remonté de temps en temps de petites rivières. Parfois, quand le courant était trop fort, il posait sa pirogue et poursuivait son exploration à pied dans la forêt durant deux ou trois jours.

Gassendi ne sait pourquoi, il aurait préféré suivre, cent ans après, le parcours qu’avait suivi son maître dans sa jeunesse. Une sorte de pèlerinage, en somme. Mais par la route de Dos Santos, ils ont plus de chances de trouver les Kuryanahuas.

Chapitre 9

L’orchestre attaque une musique retentissante. Le présentateur, radieux, tient la main gantée d’Olivia de Sainte-Victoire, et la lève pour présenter Olivia au public sous les applaudissements. Avec sa robe en satin bleu marine et son chapeau assorti, la marraine d’Amitié Moindre Mal est d’une élégance d’un autre temps.

La musique d’ouverture se termine, Olivia s’installe dans le fauteuil qui lui est destiné. On lui donne le micro afin qu’elle prononce les quelques mots d’ouverture.

– Bonsoir, dit-elle. Souriante, elle rend le micro au présentateur déconcerté.

Il se tourne néanmoins vers la femme du Président de la République, fondatrice de l’association, déjà installée dans un autre fauteuil, qui lui sourit avec compassion et improvise quelques phrases d’ouverture, imitée bientôt par le ministre de la Santé.

À présent, plusieurs stars de la chanson font leur entrée sur le plateau les unes après les autres, sous les applaudissements. Chacune dit au public et aux caméras son bonheur et sa fierté de participer au premier anniversaire de la première association sympathisante de France.

Assis dans le public, les seconds rôles d’AMM, non invités sur le plateau, assistent néanmoins à la célébration du grand événement.

Édith, rouge et gauche dans son nouveau tailleur bordeaux, un sourire réjoui aux lèvres, les yeux brillants, ne quitte pas des yeux Olivia de Sainte-Victoire et la femme du Président.

Fabrice Legrand n’est pas accompagné. Il est venu seul, pitoyablement. Il n’est pas crédible. Il vient de discuter avec un simple bénévole, un grand gars qui, lui, est accompagné d’une blonde, genre mannequin. C’est exaspérant.

Tout à l’heure, pendant le cocktail, la Directrice Evelyne Defort l’a présenté au ministre de la Santé en disant : “Et voici notre petit dernier, c’est lui qui pilote la campagne nationale d’information ! Et il se débrouille très bien !” Comme s’il était un gamin. Le Ministre a félicité Fabrice Legrand qui est devenu aussi rouge et gauche que la pauvre Édith.

L’événement est diffusé en direct à la télévision. Dans les foyers français, tout le monde a les yeux rivés sur Evelyne Defort qui, comme une star, descend le grand escalier, serrée dans un ensemble écru plein de volants qui virevoltent.

Les téléspectateurs voient à l’écran les visages rayonnants des seconds rôles d’AMM dans le public, bénévoles importants, salariés et administrateurs, en tenue de gala.

Puis le présentateur s’avance vers Evelyne Defort en lui disant qu’elle est ravissante. Evelyne lui sourit. Il lui tend le micro. Elle va parler.

C’est alors que l’image se met à trembler, puis à sauter. Le son se coupe. On devine encore le visage d’Evelyne Defort et celui du présentateur :

– … d’être aujourd’hui parmi vous, et en présence de notre mar…

L’écran devient gris, puis vert, tandis qu’un souffle se fait entendre.

– … à nouveau tous réunis, un an après, malgré…

Cette fois, il n’y a vraiment plus rien. L’écran annonce que la suite du programme reprendra dans un instant, ce qui est inexact.

Chapitre 10

Roland a pris le téléphone et a composé le numéro de son fils. Il va lui parler de lui et Denise.

Sébastien va bien, Valérie aussi, les enfants aussi. Ah, c’est bien ça. Il fait beau à Marseille. Mais Sébastien n’a pas l’habitude de recevoir de coups de fil de son père et s’étonne. Il demande si lui et Denise vont bien. Tu es sûr ? En fait…

Roland dit tout. Il n’y a pas grand chose à dire en réalité. Denise veut le quitter. Il sent une boule dans sa gorge en parlant à son fils. Roland parle rarement de ce qu’il ressent, et cela doit être la première fois qu’il dit à son fils qu’il est malheureux.

Sébastien n’est pas aussi surpris que l’on pouvait s’y attendre. Vous ne sortez plus, dit-il. Elle si, répond Roland. Lui a eu des petits pépins de santé récemment. Non, rien, rien de grave, rien du tout. C’est fini maintenant. Pourquoi ne feriez-vous pas un petit voyage ? demande Sébastien.

Roland n’a jamais pensé à cela. Ils ne sont pas partis cet été, ils partent rarement maintenant. Juste à Marseille parfois.

Partez à l’étranger, même, suggère son fils. Les billets d’avion vont être moins chers, les gens ont repris le travail.

Roland est toujours silencieux. Au téléphone, il entend Valérie qui dit quelque chose derrière. Ah, oui, dit Sébastien, à Rio de Janeiro, il y a en octobre un rassemblement de Sympathisants qui viennent du monde entier. C’est ça, Valérie ? Oui, c’est ça. Elle est toujours dans ses associations, Maman ?

– Oui… Oui, oui… dit Roland. Rio, c’est le Brésil, ça. C’est dangereux, là-bas, non ? Il y a beaucoup de crimes, je crois… Faut voir…

Un peu plus tard, Roland marche dans le jardin en réfléchissant. Depuis des années, il a mis de l’argent de côté au cas où. Ça, ce n’est pas un problème. Elle aime bien bouger, Denise. Il doit faire chaud là-bas. Il va se renseigner pour le rassemblement. À qui pourrait-il demander ? À la voisine, à Véronique. Roland regarde le jardin d’à côté. Il ira voir tout à l’heure si elle est là. Il va voir à l’agence, peut-être qu’ils organisent des séjours tout compris pour le rassemblement. Avec des guides. On parle quelle langue, là-bas ? Ou bien simplement des billets d’avion avec un hôtel sûr, Denise aime bien faire ce qu’elle veut de ses journées ; ils iront à la plage. Il va lui faire la surprise.

À suivre…

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