Vitamine B17 et cancer. Remède miracle ou arnaque ?

Derrière la vitamine B17 se cache l’amygdaline, une substance isolée en 1837 qui, une fois décomposée dans l’organisme, libère un poison : le cyanure. C’est un médecin russe qui, le premier, eut l’idée d’employer l’amygdaline pour traiter le cancer et ce, dès 1845 ! Il ne s’agit donc pas d’une découverte récente.

De l’amygdaline au laetrile

À la base, l’amygdaline est une substance naturelle présente dans les noyaux de nombreux fruits, en particulier dans les noyaux d’abricots amers. Mais depuis les années 1950 existe aussi le laetrile, forme semi-synthétique d’amygdaline que l’on peut administrer tant par voie intraveineuse que par voie orale.

Une toxicité sélective

Les cellules cancéreuses se montrent plus vulnérables au cyanure que les cellules saines (à cause d’une histoire d’enzymes). L’amygdaline et le laetrile présentent donc l’avantage de cibler en priorité les cellules cancéreuses, contrairement aux chimiothérapies classiques qui ne font pas de différence entre cellules cancéreuses et cellules saines.

Des études peu concluantes

Bien que l’on ait accumulé au fil du temps un certain nombre de rapports de cas plutôt favorables au produit, les essais cliniques conduits sur le laetrile, notamment les essais de phases 1 et 2 financés par l’Institut national du cancer aux États-Unis il y a plus de 30 ans, n’ont pas donné les résultats escomptés.

En 1982, l’essai clinique de phase 2 incluait 178 patients atteints de cancers avancés, dont un grand nombre en échec thérapeutique (1). Le challenge était donc relevé pour le laetrile ! Les patients reçurent d’abord le produit par voie intraveineuse pendant 3 semaines, puis poursuivirent le traitement par voie orale durant 7 semaines. Dans le même temps, ils appliquèrent des conseils diététiques et se supplémentèrent en vitamines et enzymes pancréatiques.

Les résultats furent pour le moins tranchés, le négatif l’emportant largement sur le positif.

Commençons par le positif : diminution de la taille de la tumeur chez un patient atteint d’un cancer de l’estomac ; amélioration de la capacité à travailler ou mener d’autres activités chez certains patients ou encore diminution de symptômes liés à la maladie chez d’autres patients. Et maintenant, le négatif : progression du cancer chez la moitié des patients au terme du traitement ; progression du cancer chez tous les patients 7 mois après l’achèvement du traitement ; disparition des quelques améliorations constatées durant le traitement après l’arrêt de ce dernier.

Au total, des effets bénéfiques très limités et transitoires. Les auteurs de l’étude conclurent donc à l’inefficacité du laetrile dans le traitement du cancer. Cela porta un coup fatal au produit et on ne chercha pas, par exemple, à le tester chez des malades se situant à un stade plus précoce de la maladie. Comme le laetrile pouvait potentiellement conduire à un empoisonnement au cyanure, on jugea finalement préférable d’en interdire l’utilisation. Pour autant, certaines cliniques alternatives continuent à passer outre cette interdiction.

Direction l’Allemagne

C’est le cas du Centre de traitement du cancer par l’hyperthermie et les thérapies alternatives, situé à Kehl, ville allemande voisine de Strasbourg. Dans ce centre, dirigé par le Dr Dieter Hartung, les thérapies classiques telles que chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie sont associées à des méthodes alternatives de traitement comme l’hyperthermie (2), les perfusions de vitamine C, l’oxygénothérapie active, l’enzymothérapie… et la thérapie à la vitamine B17 !

Le traitement à base de vitamine B17 mis en œuvre dans ce centre implique des perfusions, la prise de comprimés et la consommation de noyaux d’abricots amers.

En pratique, cela se déroule de la manière suivante :

En semaine (du lundi au vendredi), nous effectuons un traitement de perfusions à la vitamine B17. Ce traitement dure environ une heure et est réalisé sous surveillance médicale. Après ce traitement, le patient peut généralement rentrer chez lui. Les perfusions sont en effet plutôt bien tolérées par les patients.

Le week-end, le traitement se poursuit avec des comprimés de vitamine B17. En supplément, nous recommandons à nos patients de mâcher chaque jour une certaine quantité de noyaux d’abricots.

De l’amygdaline pour prévenir le cancer ?

Les noyaux d’abricots amers ont-ils leur place dans une stratégie de prévention primaire du cancer ? C’est ce que pensait le Dr Ernest Krebs, à l’origine de la synthèse du laetrile au début des années 1950. Il préconisait une consommation quotidienne de 10 à 12 noyaux d’abricots amers, mais pas plus de 5 à 6 noyaux à la fois, soit pas plus de 3 g à la fois. En suivant ces conseils à la lettre, on ne risque pas de dépasser les capacités de détoxification de l’organisme.

Un complément alimentaire à base de noyau d’abricot amer est disponible depuis peu en France. Le produit se présente sous forme de gélules contenant 500 mg d’un extrait de noyau d’abricot amer titré à 1 % d’amygdaline. Le laboratoire qui commercialise ce produit conseille la prise d’une à trois gélules par jour. Chaque gélule apporte la valeur d’un noyau d’abricot.

Le noyau d’abricot amer contient en moyenne 5 % d’amygdaline, alors que le noyau d’abricot doux en contient tout au plus 1 %. Une étude assez récente visant à évaluer la variabilité du contenu en amygdaline de noyaux d’abricots doux et amers d’origine turque, a confirmé ces chiffres puisqu’on a trouvé en moyenne 5,6 % d’amygdaline dans les noyaux d’abricots amers, contre 0,9 % dans ceux d’abricots doux (3).

Or, le complément alimentaire vendu en France contient 1 % d’amygdaline. Donc, soit il s’agit en fait d’un extrait de noyaux d’abricots doux, soit le procédé d’obtention du produit a provoqué une déperdition très importante en amygdaline, soit le laboratoire a été contraint de commercialiser son produit avec un dosage très faible en amygdaline. Quoi qu’il en soit, le produit étant 5 fois moins dosé en amygdaline, il faudrait donc avaler non pas 10 à 12, mais 50 à 60 gélules par jour, pour respecter les recommandations du Dr Krebs !

Les Hounzas et autres « peuples sans cancer »

Pour assurer la promotion de son produit, le laboratoire fait d’emblée référence aux Hounzas, une peuplade vivant dans l’Himalaya, entre le Pakistan et l’Inde. En son temps, le Dr Krebs s’intéressa lui aussi de très près à cette peuplade épargnée par le cancer qui, comme le précise le Dr Jean-Pierre Willem dans son ouvrage Le secret des peuples sans cancer (Ed. du Dauphin), vivait « dans une grande vallée à l’ombre de l’Himalaya, dans un paysage taillé de glaciers et piqué d’abricotiers« . Plus loin, il cite un scientifique ayant vécu avec sa femme parmi les Hounzas dans les années 1930. Dans son récit, ce scientifique confirme que « leur fruit principal est l’abricot. Il est plus petit que celui de nos pays. Son amande est comestible. Elle fournit une excellente huile« . Une bonne quinzaine d’années avant lui, le Dr Mc Carrisson avait déjà été stupéfait par l’éclatante santé des Hounzas et leur exceptionnelle longévité.

Était-ce pour bonne part grâce à la consommation quotidienne de « quelques noyaux d’abricots amers » que les Hounzas échappaient aux « maladies liées à la dégradation cellulaire » ? C’est ce que laisse entendre en creux l’argumentaire du laboratoire qui, pour ne pas tomber dans l’allégation thérapeutique, s’en tient d’ailleurs à parler de « dégradation cellulaire » et non de cancer.

La réalité est bien entendu beaucoup plus complexe, même s’il est possible de ressortir un certain nombre de points communs chez les peuples sans cancer :

  • Une vie en moyenne à haute altitude (autour de 2000 m ou plus).
  • Un air pur.
  • Une eau pure.
  • Une production alimentaire locale (aliments naturels, non frelatés, à haute densité nutritionnelle).
  • Des périodes annuelles de jeûne (entre deux récoltes).
  • Un faible niveau de stress.
  • Une existence en harmonie avec l’environnement.
  • Un respect de la vie sous toutes ses formes.

Conclusion scientifique

Prises dans leur ensemble, les études réalisées sur cultures cellulaires, sur modèle animal ou chez l’Homme montrent que l’activité antitumorale de l’amygdaline est inconstante, non durable, mais néanmoins indubitable. Le principal problème réside dans le manque d’essais cliniques de qualité permettant de déterminer, chez l’Homme, le réel degré d’efficacité thérapeutique de l’amygdaline (même l’essai de 1982 présentée plus haut n’était pas de qualité, en ce sens qu’il manquait un groupe placebo permettant de comparer les résultats). Pour ce qui est de la toxicité de l’amygdaline, il apparaît qu’elle est plus importante par voie orale que par voie intraveineuse.

Conclusion naturopathique

Dans les cliniques de traitement alternatif du cancer, la vitamine B17 est toujours intégrée à une stratégie globale de soins. Elle amène un plus, mais ne constitue pas le cœur du traitement. À noter qu’il n’est pas recommandé d’associer la prise de fortes doses de vitamine C à celle de vitamine B17 (augmentation des effets indésirables).

Un éventuel apport en vitamine B17 en vue de mieux se protéger du cancer ou d’accroître ses chances d’échapper à une récidive, doit s’inscrire dans une stratégie globale de prévention. La vitamine B17 ne constitue en aucun cas un remède miracle. Un ensemble de mesures doit être mis en œuvre, comme adopter une alimentation santé, éviter de s’exposer aux cancérogènes de toutes sortes, stimuler son immunité, optimiser son taux de vitamine D, pratiquer une forme de jeûne intermittent, etc.

Dans le cadre de la prévention du cancer ou de sa récidive, combien de noyaux d’abricots amers doit-on consommer au quotidien ? Difficile à dire : cela oscille entre 1 à 3 et 10 à 12, selon que l’on s’en tient aux conseils des vendeurs ou aux préconisations du Dr Krebs. En tout cas, mieux vaut ne pas trop forcer sur la dose en cas de foie défaillant. Prudence aussi en cas de faible poids corporel. La règle absolue à respecter est de ne JAMAIS consommer plus de 30 noyaux D’UN COUP (la dose devient mortelle…).

NOTES
(1) Moertel C.G., New England Journal of Medicine, 1982
(2) Cette thérapie consiste à provoquer de la fièvre (40-43°) dans le but de stimuler le système immunitaire. En pratique, on procède à un réchauffement ciblé de la tumeur et de l’environnement tumoral, de manière à détruire les cellules cancéreuses. Le plus souvent, cette thérapie vient appuyer les effets de la radiothérapie ou de la chimiothérapie, en particulier dans les cas de cancers avancés ou récurrents.
(3) Yildirim F. A., African Journal of Biotechnology, 2010 Sep

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