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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

Les sympathisants

Épisode 2 - Une femme au grand coeur

Résumé : Quelle est cette étrange faculté à partager physiquement les souffrances d’autrui ?

Déjà vingt heures, pense Véronique, trente-huit ans, divorcée, deux enfants. Tant pis, ce soir ce sera purée-Knacki.

Les filles n’ont pas encore pris leur bain et les devoirs de Leslie ne sont toujours pas faits alors qu’elle a eu tout le week-end. Elle fait tout à la dernière minute. En plus, sa chambre est dans une pagaille inimaginable.

Véronique déteste le dimanche soir.

Sandy est vautrée sur le divan. Son livre ouvert devant elle, elle ânonne sa page de lecture. Mais où est l’aînée ?

– Leslie !

La bouteille de bain moussant est presque vide. Véronique la remplit d’eau puis la déverse dans la baignoire.

– Leslie, qu’est-ce que tu fais ?

Dans la cuisine, le lait bout déjà et Véronique arrive juste à temps pour éviter la catastrophe. Elle verse les flocons de purée dans la casserole et bat le tout en gardant son calme.

– Leslie !

Une voix lointaine finit par répondre :

– Quoi ?

L’enfant embarrassée arrive dans la cuisine.

– Ça fait trois fois que je t’appelle ! Tu as des devoirs ?

– Euh… Pas beaucoup.

– Eh bien, qu’est-ce que tu attends ?

***

Michelle s’éveille en sursaut.

Elle s’était endormie devant la télévision pendant le film et elle a entendu quelqu’un l’appeler par son prénom.

C’est une petite fille. En noir et blanc. C’est Brigitte Fossey enfant qui court dans une gare en appelant désespérément son ami Michel.

Michelle a raté la fin du film. Non, il n’y a pas à dire, être réveillée de cette manière, ça fait un drôle d’effet.

La main sur son cœur pour voir si elle ne fait pas une tachycardie, Michelle se lève pour éteindre la télévision, coupant en plein milieu le générique en mi mineur de “Jeux interdits”.

Elle prend sur la cheminée son pilulier, avale ses comprimés : un demi-bleu et deux blancs, sans eau. “Michel, Michel, Michel…” Elle en frissonne encore. Elle ne va pas bien dormir encore une fois.

Chapitre 2

Le camion des poubelles a réveillé Denise en passant, et c’est tant mieux parce que ce matin, elle a prévu de jardiner. Elle voudrait installer dans une des plates-bandes les herbes aromatiques qu’elle a achetées samedi au marché. Comme elle veut faire ça bien, ça risque d’être long.

Elle a mis le café en route et ouvre les volets de la cuisine.

Dehors, le lotissement se réveille dans une fraîcheur printanière. La voiture de monsieur Pradel est déjà partie, mais pas celle de Véronique.

***

Encore cette migraine. Elle ne la sent pas encore mais elle sait que cela va bientôt arriver. Michelle est seule.

Sortir. Voir des gens.

Véronique avait promis de passer hier. Après le film, Michelle a compris que sa fille ne viendrait pas. Même pas un coup de fil.

Elle sort du bureau à dix-sept heures. J’irai prendre un café chez elle. Mais avant ? Ça y est, la migraine. Et la peur d’avoir mal amplifie la douleur, comme la peur d’être seule accroît la solitude.

Un jour, clouée au lit par une terrible migraine, elle reçut la visite de sa fille Véronique, qui sympathisait déjà depuis quelque temps avec les enfants. Michelle lui a dit d’accord, soulage-moi, mais vite fait, car elle avait peur d’attraper cette chose, elle aussi. Elle ne regretta pas d’avoir accepté l’aide de sa fille. À présent, elle ne peut plus s’en passer et appréhende encore plus qu’avant la solitude. Véronique vient la voir moins souvent, mais heureusement, Michelle a deux ou trois amies qui peuvent sympathiser.

En revanche, elle ne sait pas du tout si elle-même peut le faire ou pas. Elle n’a jamais essayé. Elle frémit quand elle pense qu’elle est peut-être atteinte.

En règle générale, Michelle a peur des choses nouvelles. D’ailleurs, dans une émission à la télévision, un médecin disait que la Sympathie avait peut-être des conséquences à long terme, et qu’on ne les connaissait pas encore. C’est cela qui fait peur à Michelle ; c’est pourquoi elle a longtemps refusé l’aide des personnes atteintes qui lui proposaient de sympathiser.

Dehors le temps est déjà chaud pour une matinée d’avril. Michelle prend d’abord un Aspégic 1000. Puis elle prend le porte-monnaie bleu marine dans le tiroir, les clés de la maison suspendues au clou dans l’entrée, elle accroche la laisse au cou de Daisy et va aller acheter du pain.

***

Roland lève la tête de son journal.

– Ben où t’étais, toi ? demande-t-il, comme s’il réalisait en voyant son épouse arriver qu’elle était absente depuis plus d’une heure.

– Je m’occupais de la petite à côté… Elle a encore la sinusite, dit Denise en baissant la voix.

Roland marmonne des paroles incompréhensibles en se plongeant dans les pronostics du Pari Mutuel Urbain.

***

– Maman, à quoi ça sert, un docteur ? À faire qu’on ait moins mal, ou à guérir les maladies ?

– Les deux, ma chérie.

– Alors, pourquoi fait-il des piqûres qui font mal ?

– C’est pour guérir les maladies. Quelquefois, c’est aussi pour qu’on arrête d’avoir mal, enfin…

– Ouais… très logique, murmure l’enfant.

Aujourd’hui, Leslie ne va pas à l’école. Installée sur le canapé du salon, bien au chaud sous la couette, elle regarde maman qui lui prépare une bouillie au chocolat dans la cuisine. Leslie s’est réveillée ce matin avec la sinusite. Ça faisait très mal, alors maman est restée longtemps avec elle pour la soulager. Elle l’a installée en bas, sur le canapé et a fermé les stores car la lumière dérange beaucoup la malade. Comme l’enfant pleurait encore, la voisine est venue pour s’en occuper aussi. Elle dit toujours qu’on peut compter sur elle, c’est pourquoi maman a demandé à Sandy de passer chez elle pour l’avertir avant de partir pour l’école. Puis maman est vite allée prendre les médicaments dans l’armoire à pharmacie et les a préparés rapidement, avant de reprendre la main de Leslie.

À présent cela va mieux. La petite fille s’est reposée, la voisine est partie. Tout est calme dans la maison. Allongée sur le canapé du salon, Leslie regarde la fenêtre au store blanc, qui danse en même temps que le tic-tac de la pendule. Elle pense aux copains de sa classe qui doivent être en train de faire l’autodictée. On n’entend que la pendule et maman qui mélange la maïzena et le chocolat dans la casserole. Quand Leslie a la sinusite, souvent maman ne va pas travailler pour s’occuper d’elle. Quelquefois elle y va quand même et c’est la voisine qui s’occupe de Leslie. Seulement, quand ça fait très mal comme ce matin, c’est mieux s’il y a au moins deux personnes pour partager le mal.

***

Cette fois, c’est vraiment la migraine. Michelle s’est recouchée. Elle a repris de l’Aspégic mais cela n’a rien fait.

Elle a appelé madame Legendre qui devrait arriver maintenant. Mais Michelle n’aurait pas dû prendre ce somnifère. Il est fort, tout de même, et elle a du mal à rester éveillée. Il ne faut pas qu’elle s’endorme avant l’arrivée de cette dame, ce n’est pas poli ; elle risque de croire qu’elle est venue pour rien.

Michelle se relève, remet sa robe de chambre matelassée et va faire du thé au caramel. D’après ses souvenirs, il semble que madame Legendre aime le thé au caramel. Avec les chouquettes qu’elle a achetées chez le boulanger ce matin. Elle n’ira pas prendre le café à cinq heures chez Véronique. Tant pis.

***

Téléphone. Véronique décroche. Absorbée par ses préoccupations maternelles, elle avait presque oublié qu’elle aussi avait une mère. Une mère qui se sent abandonnée et souffre encore de ses migraines. Elle ne parle plus que de ça désormais ; ses migraines sont devenues son unique sujet de conversation. Existerait-elle encore sans elles ? Cela exaspère d’autant plus Véronique que les plaintes sont assorties de reproches : elle ne vient jamais voir sa mère.

– Figure-toi que c’est ta voisine, madame Legendre, qui est venue “me sympathiser”. C’est comme ça que j’ai su que tu ne travaillais pas aujourd’hui pour t’occuper de Leslie. Tu aurais pu m’appeler, quand même, pour me dire. Elle va mieux ?

– Oui, c’est une sinusite, peut-être de l’allergie, mais on ne sait pas à quoi. Elle a eu très mal.

– Passe-la moi, je vais lui parler.

Soulagement de ne pas entendre plus longtemps les plaintes et les reproches maternels. Après avoir posé sur la table le canevas dont elle essayait maladroitement d’apprendre la technique, l’enfant prend le téléphone pour raconter ses malheurs à sa grand-mère. Pendant ce temps, Véronique a ramassé l’abécédaire de toile offert par Denise et, assise sur le bras du fauteuil, elle continue distraitement de broder la lettre C au point de croix. Elle pense à Denise. Quelle femme généreuse ! Et quelle disponibilité ! Elle a sympathisé ce matin avec Leslie, et cet après-midi avec Michelle. Et son mari qui est tellement individualiste… Comment fait-elle ?

***

Roland tire sur sa cigarette et approche le fauteuil de la télévision. Il balaie de la main le journal orné de trois ronds de café qui se trouvait sur la table basse et se saisit de la télécommande dissimulée dessous.

Affalé dans son fauteuil, il appuie sur le bouton.

“… le mal du siècle, comme la solitude. Pensez que la souffrance de ceux qui n’ont personne est plus grande. Nous ne sommes pas tous égaux face à la douleur. Sympathisons avec les gens seuls ; un jour, c’est peut- être nous qui aurons besoin de Sympathie. Rejoignez Amitié Moindre Mal.”

– Y nous emmerdent… marmonne Roland.

Denise a entendu :

– Ouais, ben moi, je me demande si je vais pas le faire aussi…

– Faire quoi ?

– Aller dans une association pour aider les gens qui ont mal…

– Bof… Tu fais ce que tu veux… Tant qu’ils nous demandent pas de pognon…

Sans quitter l’écran des yeux, Roland s’allume une autre cigarette.

– D’ailleurs, poursuit Denise… Je pense que je vais y aller dès demain.

À suivre…

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