Ensemble
Fin août, un vendredi après-midi, nous n’étions que deux au bureau. Agnès était occupée à préparer quelques plis pour la poste et le téléphone a sonné.
C’était Jean, un abonné de la première heure : « Bonjour, j’appelle pour arrêter mon abonnement, nous ne sommes plus sur la même ligne. » Évidemment, j’ai voulu en savoir plus. Jean était en colère. Pour lui, mettre un masque et respirer son propre gaz carbonique, c’était obéir sans réfléchir, dangereusement, à l’heure où la crise du coronavirus nous appelait à nous révolter contre un système nous conduisant à notre perte… Selon lui, je n’avais décidément rien compris.
Nous avons discuté longuement. J’ai expliqué à Jean combien il me paraissait important d’analyser la situation en prenant du recul avant de décider s’il était idiot ou non de porter un masque et, surtout, avant de juger celles et ceux qui ne sont pas du même avis. Cette pandémie n’a eu de cesse de nous ranger dans des « camps », les pro et les anti : pro-chloroquine et anti-chloroquine, pro-confinement et anti-confinement, pro-tests et anti-tests, pro-masques et anti-masques, opposant ceux qui pensent que la pandémie est un leurre inventé pour nous manipuler et ceux qui redoutent de la croiser… tous aussi sûrs d’avoir raison les uns que les autres, à se juger et se mépriser.
À part l’importance de se laver souvent les mains au savon, qui semble faire l’unanimité, je vous avoue que je ne suis sûre de rien et je n’ai aucune envie de rejoindre un « camp ». Je pense, au contraire, qu’il serait temps de sortir du piège de la division. Ne sommes-nous pas tous prisonniers d’un système économique qui dicte notre avenir en laissant la priorité à des intérêts financiers qui nous dépassent ? Un système qui, justement, nous divise pour mieux faire régner l’argent roi ?
Pour ma part, je vais continuer à mettre en balance les avantages et les inconvénients, et la part de bénéfices et de risques avant de faire mes choix, avec le plus d’objectivité possible. Pour cela, je continuerai à me méfier d’internet. Les algorythmes des réseaux sociaux sont ainsi faits qu’ils renforcent vos avis et vos croyances en proposant des informations qui vont toujours dans le même sens et vous confortent dans vos certitudes.
Jean, qui me dit lire le magazine depuis ses débuts et y avoir appris beaucoup sur une manière plus lucide de prendre en main sa santé, en privilégiant la prévention et le bon sens, avait décidé, pour deux lignes dans un éditorial, de bannir Rebelle-Santé de ses lectures. Lors de notre conversation, où il m’a dessiné un avenir de l’humanité bien pessimiste (et fatal à court terme), nous avons fait un pari : si, en janvier 2021, ses prévisions ne se sont pas réalisées (vaccination anti-covid obligatoire pour tous, séparation des enfants de leurs parents…), il m’offre le champagne ! Et en attendant, il va finalement continuer à lire Rebelle-Santé. Alors, comme je sais qu’il commence toujours par l’édito, j’en profite pour le saluer !
Pour ma part, je suis sûre d’une chose : c’est en prenant conscience que nous avons chacun notre rôle à jouer et en associant nos énergies que nous pourrons éviter les catastrophes annoncées. Soyons solidaires, cohérents, et arrêtons de nous mépriser les uns les autres…
Je vous souhaite un bel automne,
Sophie Lacoste
