Cultivons notre potager
Selon un récent rapport remis par le Pr. Serge Hercberg, spécialiste de la nutrition de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), à notre ministre de la Santé, il est grand temps de prendre des mesures pour que les Français mangent « mieux ». L’importance de notre alimentation, mais aussi de l’exercice physique, fait l’unanimité : il est désormais incontestable que ces deux paramètres sont déterminants pour notre santé, surtout à moyen et à long terme.
Alors, comment faire pour que les Français arrêtent de manger tout et n’importe quoi ?
La principale mesure proposée, celle dont on a surtout entendu parler à la fin de l’hiver, consisterait à taxer les « mauvais » aliments. Plus il y aurait de sucre, de sel et de matières grasses, plus la taxe serait élevée. Ceci afin d’inciter les fabricants à modifier la formulation de leurs produits. L’idée pourrait sembler judicieuse. Mais voilà : qui va attribuer une « note » aux aliments ? Car ce sont aussi des experts mandatés par le gouvernement qui établissent le PNNS : Programme National Nutrition et Santé, celui qui nous conseille de manger trois produits laitiers par jour…
Et puis il est question de sel, de sucre et de matières grasses, c’est un peu vague… Les additifs feront-il partie des critères retenus ? La qualité biologique sera-t-elle privilégiée ?
Si l’on écoute certains chercheurs, allemands en particulier, il est temps de réhabiliter les matières grasses… Là, on parle de les taxer, au même titre que le sel et le sucre. Évidemment, si cela concerne l’huile de palme et les acides gras « trans » des margarines, on ne peut qu’applaudir, mais toutes les autres ? Qui fera la sélection ? Qu’en est-il du gluten ? De la caséine et des nombreuses intolérances alimentaires auxquelles on doit l’inflammation chronique et les maladies émergentes qu’elle favorise ?
Ne serait-il pas plutôt judicieux d’informer la population, en toute honnêteté, sur les aliments qui lui sont les plus bénéfiques ?
Ne serait-ce pas le moment de remettre en question les systèmes de production ? D’encourager les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) et l’agriculture biologique ? De diffuser aux élèves diététiciens les ouvrages du Dr Seignalet et du Dr Lallement ?
Comment expliquer la mise en place toute récente d’un accord-cadre de coopération entre l’industrie du sucre (Centre d’Études et de Documentation du Sucre) et l’éducation nationale ? Oui, vous avez bien lu : pendant 5 ans, le CEDUS délivrera aux enseignants, aux élèves et à leurs familles des informations sur la nutrition et la santé, et ceci avec la bénédiction des pouvoirs publics : « Les cosignataires coopèrent au développement d’activités d’éducation nutritionnelle, d’éducation au goût et à la consommation. » Et vous croyez vraiment que nos enfants vont apprendre qu’il faut arrêter de se gaver de sucre ?
Idem pour les produits laitiers. Cela fait presque 30 ans que l’industrie des produits laitiers « travaille » en partenariat avec l’éducation nationale. Elle offre ses bons et loyaux services pour former les enseignants aux meilleurs choix alimentaires, et envoie des diététiciens à sa solde diffuser gratuitement la bonne parole dans les salles de classe…
Soyons objectifs, soyons curieux, ne gobons pas tout cru n’importe quelle information, soyons vigilants, prenons du recul, repérons les conflits d’intérêts et cultivons notre potager, sans pesticides, pour faire un peu d’exercice et manger de bonnes choses, c’est l’idéal pour notre santé.
Je vous souhaite un printemps tout ensoleillé, bonne lecture.
